Toute une vie au service de l’Islam pour l’expansion de la Tidjaniya
El hadj Mamadou Saïdou, alias Mamadou Hawoly [1] Bâ est né en 1900 dans le village de Thikité (Arrondissement de Saldé, département de Podor-Sénégal). Il est le fils du très pieux Thierno Saïdou Alpha Hammath et de la pure et honorable Sokhna Hawoly Bah. Il est de la province du Yirlaabe par sa mère et de celle du Bosséa par son père.

Orphelin de mère à 9 ans et de père à 14 ans, Mouhamad Siradji allait avoir un destin lié à celui du Phrophète Mouhamed (Psl) et à celui de Cheikh Ahmed Tidiane (Rta).

Très jeune, Mamadou Saïdou, alias Mouhamad Siradji, se fit remarquer par son intelligence, sa piété, ses vertus et sa modestie. Il mena une vie périlleuse et pleine d’embûches. Ses efforts, sa crainte d’Allah, sa modestie, son amour pour le vrai et son aversion pour le faux lui valurent le respect de tous mais aussi la jalousie et l’inimitié de certains. Par la volonté de Dieu, Thierno Mamadou Saïdou Bâ échappa à des attentats ourdis contre lui par des jaloux de son destin. Il apprit et maîtrisa toutes les sciences connues des érudits musulmans du Fouta de l’époque. Il fut aimé et respecté par ses maîtres pour la vivacité de son esprit, sa grande science et sa sagesse.

Après avoir assimilé les enseignements et les secrets des grands maîtres [2] qu’il connut, il atteignit les degrés spirituels escomptés, notamment celui du grand Cheikh et Pôle de son temps.

El Hadj Mamadou Saïdou mourut le 26 juin 1980 [3] à Dakar, suite à une maladie qu’il contracta au cours de son célèbre pèlerinage à Fès. Il fut enterré à Médina Gounasse, la ville qu’il fonda le 27 Février1936.

Chez Cheikh Moussa Camara

Cheikh Moussa Camara était un érudit de l’islam, et particulièrement de la confrérie Qadr. Né à Gouriky Samba Diome, il était du village de Ganngel Cheikh Moussa. Son père s’appelait Ahmad Al Habib Camara et sa mère Mariame Daddé Soh.

Après ses études au Fouta, en Guinée et en Mauritanie, il s’installa à Thikitté dans le Yirlaabé. Cheikh Moussa enseignait surtout le droit islamique, la grammaire, la littérature et la prosodie arabes. Sa méthode consistait à faire interrompre, très tôt, l’apprentissage du Coran au jeune élève et à le former dans les disciplines précitées. Cheikh Moussa forgeait dans la confrérie Qadriya.

Thierno Saïdou Alpha Hammath, le futur père de El Hadj Mamadou Saïdou, figurait parmi les nombreux disciples spirituels de Cheikh Moussa Camara.

Thierno Saïdou Hammath s’adonnait beaucoup à la lecture du livre intitulé Dalaa’ilul Xayraati, un recueil de formules de prières consacrées au Prophète Mohammad (Psl). Il découvrit dans ce livre que le Prophète Mohammad (Psl) s’appelait aussi Muhammadun Siraajun Muniirun. Il s’engagea alors fermement à donner ce nom à son prochain fils.

L’une des épouses de Cheikh Moussa s’appelait Sokhna Hawwaa Mammadou dont les frères Mamoudou Mamadou Bah et Abdourahmane Aly Diallo figuraient parmi les élèves et les gendres de Cheikh Moussa. En effet, ces derniers étaient mariés aux filles de Cheikh Moussa ; le premier à Diouldé Thierno, le second à Youmma Thierno.

Sokhna Hawwaa vivait dans la famille conjugale avec Sokhna Hawoly, sa petite sœur.

Cheikh Moussa avait des sentiments avérés de confiance et d’affection pour Thierno Saïdou Alpha Hammath. Cheikh Moussa donna en mariage sa belle-sœur, Sokhna Hawoly, à son bien aimé disciple, Thierno Saïdou Hammath.

De ce mariage, naquit en 1900 à Thikitté, Mamadou Saïdou, alias Mamadou Hawoly, alias Mouhammad Siraajuddiini.

En 1902, Cheikh Moussa retourna à Ganngel, son village d’origine, en compagnie de ses disciples dont Thierno Saïdou Hammath et sa famille. Avec l’autorisation de Cheikh Moussa, Thierno Saïdou Hammath fonda Gourel Thierno, village situé en Mauritanie, en face de Ganngel. Beaucoup d’élèves choisirent de s’installer à Gourel Thierno, à côté de Thierno Saïdou, leur condisciple et frère de sang.

Le jeune Mouhammad Siradji resta à Ganngel où il fut élevé par sa tante Hawwaa Mammadou, l’épouse de Cheikh Moussa. En 1907, le jeune Mamadou Saïdou commença les études coraniques. Par la grâce divine et par la volonté de cheikh Moussa, le jeune Mamadou Hawoly eut comme premier maître Thierno Mamoudou Mamadou, son oncle maternel. Très vite, il se révéla très intelligent.

Sokhna Hawoly, la mère de Thierno Mamadou Saïdou mourut en 1909. Conformément à la méthode de Cheikh Moussa, le jeune Mamadou Saïdou suspendit, contre son gré, l’apprentissage du Coran pour se consacrer à celui du droit islamique, de la grammaire, de la prosodie et de la littérature arabes

L’étape de Bokki Diawé

Le jeune Mamadou Saïdou avait envie de continuer l’apprentissage du Coran et son père l’encourageait discrètement dans ce sens. Sans solliciter l’autorisation de ses parents et du maître Cheikh Moussa, le jeune Mamadou Saïdou alla à Mbagne, chez sa tante Aminata Alpha, en quête d’un enseignant de Coran. Sa tante l’envoya auprès d’un marabout installé à Dabbé. Le jeune ne tarda pas à quitter Dabbé à la recherche d’un autre enseignant plus compétent. Le jeune Mamadou Saïdou alla alors s’installer à Bokki Diawé auprès de Thierno Djiby Harouna, originaire de Thikkitté. Pendant qu’il apprenait le Coran auprès de Thierno Djiby, le jeune Mamadou Saïdou enseignait le droit islamique, la grammaire et la littérature arabes à ses condisciples aînés. A 14 ans, il mémorisa 7 hizib auprès de Thierno Djiby Harouna. En 1914, il rentra à Gannguel afin de ne pas déranger éventuellement son père écartelé entre son désir intime de voir son fils exceller en Coran et celui de son maître Cheikh Moussa animé d’une idée différente.

Cheikh Moussa ne manqua pas de faire au jeune fugitif des reproches relatifs à son séjour à Thikitté pour l’apprentissage du Coran. Le jeune Mamadou Saïdou alla à Gourel Thierno rendre visite à son père. Ce dernier lui révéla ses intentions à travers le nom de Muhammad Siraajuddini qu’il lui a donné et le conforta dans son engagement à bien apprendre le Coran. L’entretien entre Thierno Saïdou et son fils Mamadou Siradji eut lieu sous un jujubier situé au bord de la route reliant Gannguel et Gourel Thierno.

C’est sous cet arbre devenu sacré pour avoir abrité cet entretien qui marqua fort la vie de Thierno Mamadou Siradji que Thierno Saïdou Hammath et son fils Mamadou Saïdou se concertèrent pour la dernière fois.

Ngijilone ou le premier contact avec le Prophète Muhammad (Psl)

En 1918, quatre ans après la mort de son père, Thierno Saïdou Alpha, le jeune Mamadou Saïdou, alla à Ngijilone, auprès de Thierno Ahmadou Moctar Hann, alias Thierno Yéro Baal, un autre érudit de l’islam et de la Tariqa Qadriya.

Thierno Yéro Baal a enseigné beaucoup d’érudits célèbres parmi lesquels figurentThierno Hammet Baaba Talla de Thilogne, Thierno Cheikh Hamidou Sall de Matam et El hadji Malick Sy de Tiwawone. C’est bien lui qui a enseigné Lihmiraar Wuldu Buuna au célèbre Serigne El Hadji Malick Sy.

A l’arrivée de Thierno Mamadou Saïdou, Thierno Yéro Baal était déjà devenu un handicapé visuel, c’est-à-dire atteint d’une cécité oculaire. De ce fait, Thierno Yéro avait confié l’instruction des élèves à son neveu, Thierno Ahmadou Bocar Thierno Tilléré. Très vite, le jeune Mamadou Saïdou , qui était au niveau de Alfi Yaati de Ibnou Malick, niveau très élevé pour son âge, gagna l’estime de Thierno Yéro Baal. Il se chargea de conduire Thierno Yéro Baal à la mosquée où ce dernier effectuait régulièrement les cinq prières canoniques quotidiennes. Tel que le confirmait Thierno Dahiirou Thierno Yéro, tout le monde s’étonnait de la particularité de l’affection que Thierno Yéro avait pour cette jeune recrue. Une nuit, à l’occasion de la célébration de l’anniversaire de la naissance du Prophète Muhammad (Psl), Thierno Mamadou Saïdou conduisit Thierno Yéro Baal à la mosquée pour assister à la soirée religieuse qui y était organisée à cet effet. Ils arrivèrent à la mosquée pendant que les chanteurs entonnaient le vers «Hananun, bal hananun, bal hananun». Ils furent accueillis à l’entrée de la mosquée par le Prophète Muhammad (Psl). Par l’entremise de Thierno Yéro Baal, le jeune Mamadou Siradji qui était à l’état d’éveil vit, pour la première fois, le Prophète Muhammad (Psl) alors qu’il n’était pas encore initié à une seule Tarika (Congrégation).

Une nuit de mercredi, après la dernière prière du soir (Ichaa), Thierno Mamadou Saïdou, comme d’habitude, raccompagna Thierno Yéro dans sa chambre. Thierno Yéro le retint plus longtemps que d’habitude et pria pour lui. Pour la première fois, ils se quittèrent tard dans la nuit. Thierno Yéro fut rappelé à Dieu dans la même nuit [4].

Le séjour de Thierno Mamadou Saïdou auprès de Thierno Yéro Baal ne dura alors que sept (7) mois.

Thierno Mamadou Saïdou chez Thierno Hammet Baaba Talla

Originaire de Sinthiou Bamambé, Thierno Hammet Baaba était installé à Dakar. Pour permettre au Fouta de profiter de l’érudition de Thierno Hammet Baaba, Thierno Amadou Tidiane Wone [5] œuvra pour l’installation de Thierno Hammet Baaba à Thilogne.

Ainsi, Thierno Amadou Tidiane Wone subventionna le commerce de Thierno Hammet Baaba afin de permettre à ce dernier de subvenir à ses besoins et de pouvoir dispenser quatre (4) jours de cours par semaine.

Thierno Yéro Baal ne cessait d’exalter l’érudition de Thierno Hammet Baaba, son ancien disciple. Aussi, Cheikh Moussa avait-il une fois fait allusion aux compétences et à l’érudition de Thierno Hammet Baaba. Fort de ces témoignages, Thierno Mamadou Saïdou quitta Ngijilone , deux (2) mois après le décès de Thierno Yéro Baal pour atterrir à Thilogne auprès de Thierno Hammet Baaba Talla.

Comme ce fut le cas avec Thierno Yéro, Thierno Hammet Baaba ne tarda pas à éprouver une affection sans limites pour le nouvel élève, Mamadou Saïdou. Thierno Hammet finit par confier la gestion de sa boutique à son élève, Mamadou Saïdou. Thierno Hammet Baaba fit de Mamadou Siradji son fidèle compagnon. Il s’accompagnait toujours de lui pour aller à la mosquée y effectuer les prières canoniques. Le jour, l’élève Mamadou Siradji se consacrait exclusivement à la boutique. Le soir, Thierno Hammet lui faisait des cours, en l’absence de tout autre disciple.

L’élève Mamadou Siradji instaura la journée du maître[6]. En vue d’aider à l’instauration de la Sunna dans la famille de son maître, l’élève Mamadou Saïdou construisit des toilettes privées pour Thierno Hammet et sa famille ainsi que des toilettes publiques pour les disciples et les visiteurs.

La lecture de Jawaahiral Ma’aani donna à Thierno Mamadou Saïdou l’envie d’embrasser la Tarika Tijjaaniya. Thierno Mamadou Saïdou s’affilia à la voie Tijjaan en 1923. Il y fut initié par Thierno Hammet Baaba [7] qui l’éleva au rang de Muqaddam, c’est-à-dire, initiateur à la Voie Tijjaaniya.

Thierno Hammet Baaba n’a jamais voulu que Thierno Mamadou Saïdou s’absentât, un seul instant, de la maison. Thierno Hammet lui vouait une confiance et une affection extraordinaires que traduisait l’anecdote ci-après : «En compagnie de son élève Thierno Hamady Cissokho de Niamanary (Vélingara), Thierno Hammet allait à Sinthiou Bamambé. Ils firent escale dans un village où ils passèrent la nuit. Thierno se leva tard dans la nuit et se mit à prier. Il réveilla son compagnon afin que ce dernier fasse autant. Le compagnon lui répondit : +Je ne compte point sur mes prières, mais sur toi+. Et Thierno Hammet de rétorquer à Hamady Cissokho, son compagnon : +Je n’ai point le grade auquel tu fais allusion. C’est mon cher Thierno Mamadou Saïdou qui est élevé à ce grade. Est sauvée de l’enfer toute personne qui aura prié derrière Thierno Mamadou Saïdou …D’ailleurs, toi de la Casamance lointaine et lui du Fouta Toro, vous serez des voisins…+»

L’anecdote ci-après met en évidence la confiance de Thierno Hammé Baaba à l’endroit du jeune Mamadou Saïdou. «Un jour, Thierno Hammet et ses nombreux disciples étaient au champ. A l’heure de la prière, on constata que l’eau qui restait dans les récipients ne suffisait que pour les ablutions d’une seule personne. Thierno Hammet ordonna à Thierno Mamadou Saïdou de faire ses ablutions avec l’eau restante et de diriger la prière. Thierno Hammet pria derrière lui.»

Thierno Mamadou Saïdou séjourna pendant neuf (9) ans auprès de Thierno Hammet Baaba Talla. Durant ce séjour, il apprit la théorie relative à la Sunna et se perfectionna en droit islamique, grammaire, littérature et prosodie arabes. C’est auprès de Thierno Hammet Baaba que Thierno Mamadou Saïdou apprit et maîtrisa toutes les disciplines enseignées dans le Fouta Toro d’alors. Il y excellait. Percevant la place de choix du jeune Thierno Mamadou Saïdou dans la hiérarchie des élus de Dieu, Thierno Hammet Baaba ne cessait de lui suggérer d’aller à la rencontre des Soufistes pour son initiation à l’ésotérisme.

L’étape de Hooré Foondé ou les prémices d’une mission

Thierno Hammet libéra Thierno Mamadou Saïdou en 1927. Il lui ordonna d’aller s’installer à Hooré Foondé. Il lui donna en mariage Neené Mariam Seydi Kane. Thierno Amadou Tidiane Wone prit en charge tous les frais du mariage.

Thierno Amadou Tidiane Wone ouvrit une boutique à Ngijilone et en confia la vente à Thierno Mamadou Saïdou. La boutique fut défoncée et pillée. Thierno Mamadou Saïdou rendit à Thierno Amadou Tidiane Wone les marchandises restantes. Après décompte, il y avait un manquant estimé à 1750F CFA selon les uns, à 750 F Cfa selon les autres. Bien que Thierno Amadou Tidiane ne lui réclamât point le remboursement du reliquat, Thierno Mamadou Saïdou se considérait redevable de ce manquant vis-à-vis de Thierno Amadou Tidiane Wone. Il tenait coûte que coûte à le lui rembourser.

Thierno Siradji revint à Hooré Foondé. Thierno Aly Dia lui offrit un terrain à usage d’habitation. Il y construisit un bâtiment, y creusa un puits et se mit à enseigner. Très vite, il gagna l’estime et la confiance de Thierno Bocar Alpha qui, malgré son âge avancé et son autorité, rendait des visites de courtoisie au jeune Thierno Mamadou Saïdou. En dépit de l’opposition des habitants de Hooré Foondé et des malaises dont souffrait le jeune Mamadou Saïdou, Thierno Bocar Alpha ne cessait de demander à Thierno Mamadou Siradji de diriger les prières effectuées à la mosquée. A ceux qui contestaient la désignation de Thierno Mamadou Saïdou pour diriger les prières, Thierno Bocar Alpha rétorquait : «Si vous saviez ce qu’il y a en lui, vous le solliciteriez pour diriger toutes vos prières. Allah exauce toutes les prières que préside Thierno Mamadou Saïdou.»

Bien que ne figurant pas sur la liste des débiteurs de Thierno Amadou Tidiane Wone, Thierno Mamadou Saïdou décida, sur la base des informations reçues de Thierno Oumar Touré de Kolda, de passage au Fouta, d’aller à Kolda pour y cultiver de l’arachide afin de pouvoir rembourser le reliquat provenant du vol des marchandises qu’il gérait pour Thierno Amadou Tidiane Wone.

Il partit, en 1927, de Hooré Foondé avec sept (7) de ses disciples que sont Thierno Mamadou Oumar Kane de Dabiya, Ahmadou Oumar Bah de Boggel, Thierno Daouda Oumar Atoumani de Diowol, Hamidou Ngaydo de Diowol, Thierno Djibirirou de Diowol, Thierno Aqibou du Fouta Djalon et Thierno Nasrou Bah de Néré. Le convoi passa la première nuit à Perlel. Arrivés à Diourbel, Thierno et ses compagnons logèrent chez Ousmane Bah. Ils y restèrent trois (3) mois avant de continuer sur Kaolack. A Kaolack, Thierno et sa suite logèrent chez Thierno Bara Alpha Tall. Le convoi fit escale à Nioro du Rip avant d’arriver à Kolda.
Thierno Ahmadou Baro, un fidèle agent de transmission

Fils de Amadou Elimane Baro du village de Sinthiou Bamambé et de Youmma Ly de Duumnga Wouro Thierno, Thierno Mamoudou Barro [8] est né, après le décès de son père, à Doumnga Wuro Thierno.
Deux ans après sa naissance, sa mère, Youma Ly, alla trouver ses frères restés à Nioro du Sahel après la fin de la guerre sainte menée par El haji Oumar Tall au Mali. Ayant atteint l’âge d’aller à l’école coranique, le jeune Mamoudou Baro fut envoyé au Fouta Toro par ses oncles qui tenaient ainsi à respecter la dernière volonté de son père, Ahmadou Elimane qui mourut avant la naissance de son fils. En peu de temps, le jeune Mamoudou mémorisa le Coran. Il fut envoyé à Hawdou, en Mauritanie. Il y obtint alors le Lizaasi, le diplôme le plus élevé en matière de lecture et d’écriture du Coran. Ses oncles l’envoyèrent auprès de Chérif Mouhammad El Moctaar de Kayes pour son initiation à la voie Tijjaaniya.

Thierno Mamoudou alla à Mbour, au Sénégal, auprès de sa mère et de sa petite-sœur, Sokhna Maïmouna. Il fut révélé à Thierno Baro d’aller se confier auprès de El Hadji Malick Sy. Il rencontra, pour la première fois, El hadji Malick Sy à Dakar. A chaque fois qu’il venait rendre visite à El Hadji Malick Sy, il le trouvait seul dans sa chambre en compagnie du Prophète Mouhammed (Psl) et de Cheikh Ahmadou Tijjaani Chérif. El Hadji Malick Sy lui donna le nom d’Ahmadou [9] et l’éleva au rang de khalife, le grade le plus élevé dans la hiérarchie de la Voie Tijjaaniya. Thierno Baro confia à El Hadji Malick son intention d’aller au Fouta Toro pour y apprendre la Chariya (droit islamique). Ce dernier lui conseilla de renoncer à ce projet et lui suggéra de s’installer à Mbour, de s’adonner à la lecture du Saint Coran et à celle de Jawaahiral Ma’aani. Thierno Baro exécuta les conseils de son maître. Il épousa Sokhna Mariame Guèye dont le père avait beaucoup d’estime pour Thierno Baro en raison de ses qualités religieuses.

Une nuit de dimanche de l’année 1927, Cheikh Oumar [10] et son fils Ahmadou rendirent visite à Thierno Ahmadou Baro et lui demandèrent d’effectuer des voyages pour le compte de l’islam en général et de la confrérie Tijjaaniya en particulier. Ils lui signifièrent d’aller à leur rencontre en Côte-d’Ivoire ; ils le chargèrent d’une mission auprès d’un certain Mamadou Saïdou. Ils lui indiquèrent des éléments et des signes précis permettant de reconnaître le destinataire de la mission. Cette mission consistait à transmettre à Thierno Mamadou Saïdou un Nom (secret) de Dieu à évoquer et l’ordre d’égrener chaque nuit 12000 fois le Salatul Fatih. Il s’agit d’un nom recelant les mystères de la Tijjaaniya et révélé au Qutb. La manifestation d’un Qutb (Pôle) est annoncée aux grands maîtres de l’Ordre par une connaissance ésotérique propre à la Voie. Trois jours après la visite de Cheikh Oumar et de son fils, Thierno Ahmadou fut visité par feu El hadji Malick Sy [11], son maître qui lui dit : «Pourquoi refusez-vous d’exécuter la mission que vous ont confiée Cheikh Oumar et son fils Ahmadou ? Faites cette mission. Vous n’avez plus rien à attendre.»

Le surlendemain, Thierno Baro quitta Mbour et chargea son ami et condisciple Boubacar Guèye de s’occuper du baptême de sa fille, Maïmouna Barro, née il y a trois jours. Il entreprit alors le voyage devant le conduire en Côte d’Ivoire pour son rendez-vous avec Cheikh Oumar Foutiyou et son fils Ahmadou qu’il avait reçus en visite. Il passa par Kaolack, Nioro du Rip, Ziguinchor, Kolda et la Guinée pour des visites de courtoisie à des autorités religieuses et divers hommes de Dieu.

Kolda, un lieu de rencontre pour la transmission d’une mission

Dans la même période, Thierno Mamadou Saïdou entreprit le voyage de Kolda car Thierno Oumar Touré, lors de son voyage au Fouta, avait convié Thierno Mamadou Siradji à Kolda pour y cultiver de l’arachide. Ce qui lui permettrait de rembourser à Thierno Amadou Wone le reliquat des marchandises volées. Arrivé à Kolda, Thierno Mamadou Saïdou logea avec ses disciples chez Thierno Oumar Touré. Thierno Mamadou Saïdou mit à profit son séjour à Kolda pour cultiver, enseigner ses élèves et faire un peu de commerce.

Thierno Oumar Touré était originaire de Néré. Il était le disciple de El hadj Malick Sy. Il hébergeait chez lui tous les immigrés venus du Fouta Toro. Thierno Oumar Touré donna sa fille, Sokhna Aïssata Touré, en mariage à son protégé Thierno Mamadou Saïdou. De ce mariage est né, en 1936, Thierno Ahmadou Tidiane, l’actuel Khalife de Madina Gounasse.

En escale à Kolda, Thierno Amadou Barro logea, par la volonté de Dieu, chez Thierno Oumar Touré où vivait déjà Thierno Mamadou Saïdou. Ce dernier eut la gentillesse et l’intuition d’inviter le nouvel étranger dans sa chambre pour partager avec lui son petit-déjeuner. Ils se présentèrent l’un à l’autre. Chacun déclina son niveau d’instruction. Au cours de leur entretien, Thierno Baro eut l’occasion de tendre à Thierno Mamadou Saïdou le livre intitulé Djawahirou-l-Ma’ani [12]. Thierno Mamadou Saidou se saisit du livre, se mit à lire certains passages à haute et intelligible voix pour Thierno Amadou Barro avec l’espoir d’impressionner ce dernier. Thierno Amadou Barro choisit lui-même un passage du livre et demanda à Thierno Mamadou Saidou de le traduire en Pulaar et de le commenter. Thierno Mamadou Saïdou lui répondit : «Le Jawaahiral Ma’aani comporte des passages qu’on lit mais qu’on ne commente pas.» Thierno Ahmadou commenta alors le passage en question. Thierno Mamadou Saïdou s’en étonna et se rappela les recommandations de Thierno Hammet Baaba qui lui disait : «Jawaahiral Ma’aani comporte des passages que je n’ai pas commentés pour toi. Est ton maître la première personne qui commentera ces passages pour toi.» Thierno Mamadou Saïdou comprit qu’il était en face d’un soufi. Thierno Mamadou se confia à Thierno Barro et lui demanda de l’accepter comme disciple. Ils restèrent 10 jours ensemble à Kolda. Thierno Barro l’éleva au grade de Muqaddam, puis à celui de Khalife dans la voie Tijjaaniya. Il lui fit le compte-rendu des visites que lui avaient rendues les feux El hadji Oumar Tall, Ahmadou Afo Diiné et El Hadji Malick Sy. Il lui expliqua la mission dont ses visiteurs l’avaient chargée. Il lui transmit alors le Grand Nom d’Allah à évoquer.

Sur ce, Thierno Mamadou Oumar demanda à Thierno Mamadou Saïdou de lui donner le Wirdu. Il emboîta ainsi le pas à Néné Mariame et devint le deuxième disciple de Thierno Mamadou Saïdou en matière de Wirdu Tijjaani. ,

Thierno Barro initia Thierno Mamadou Saïdou à la pratique de 12 000 salatul fatih par nuit. Un jour, Thierno Baro dit à Thierno Mamadou Saïdou ceci : «C’est à toi la congrégation (Dental) de Madina Seydi Aly. Telle est la volonté de Dieu. Vas rendre visite à Thierno Seydi Aly. Tu devras rester au moins huit (8) mois avec lui. Il te remettra ce dont il est chargé de te remettre. Quant à moi, je te remettrai, le moment venu, la part que je suis chargé de te remettre.»

Thierno Barro poursuivit son voyage à destination de la Côte d’Ivoire, via la Guinée-Conakry pour son rendez-vous avec El hadji Oumar et son fils Laamiido Dioulbé. Il séjourna longtemps à Hamdallaay et à Koula. Il aurait donné le wirdu Tidiane à Cheikh Abdourahime de Koula.

El hadji Seydi Aly Thiam, le fondateur du Dental

El Hadji Seydi Aly Thiam est né à Nounkoudou, une localité de la Guinée-Bissau. Il est le fils de Thierno Aboubacry Thiam et de Mariane Mbaalo. Son père faisait partie de l’expédition de Cheikh Oumar Tall. Sur recommandations de son maître, Cheikh Oumar, Thierno Aboubacry s’installa en Guinée. Il y exerçait du commerce d’or et d’argent métallique. Il était un homme de Dieu. Dieu exauçait ses prières. Il engendra Aliou communément appelé Thierno Seydi Ali. En partance pour la Mecque pour y effectuer le pèlerinage, Thierno Aboubacry confia sa famille à son beau-frère, l’oncle maternel de son futur fils Aly. Thierno Aboubacry ne revint pas de son voyage de la Mecque.

Le jeune Ali fut éduqué par son oncle. Il excella dans la lutte qui était à l’époque le jeu favori des jeunes ruraux après les travaux champêtres. Subitement, le jeune Ali décida de renoncer à jamais à la lutte pour apprendre le Coran et pour se consacrer à l’Islam.

En quête de savoir coranique et de droit islamique, Thierno Seydi Ali alla à Ndiaye Counda ( Kaolack) auprès du vénéré Aliou Boun Ismaila Dème. Ce dernier était de la voie Qadr avant de s’affilier à la voie Tidiane sur injonction de Cheikh Oumar Tall qui lui disait en rêve ceci : «Tu voulais faire partie de mon armée, mais Dieu en a décidé autrement. Abandonne la confrérie Qadr pour embrasser la tijjaaniya. Tu prendras un lapin vivant dans tes mains. Ce sera la preuve que c’est bien moi Cheikh Oumar Foutiyou qui te parle ainsi.»

La preuve ne tarda point. Thierno Aliou Boun Ismaila alla à Banjul demander le Wirdu à Thierno Mamadou Ibrahima Diallo, un talibé d’Amadou Dème, lui-même discipline de Aboubakry Touré de Hayré Lao. Aboubacry Touré était le disciple de Cheikh Oumar Tall.

Thierno Aliou Boun Ismaila faisait 1000 rakkas toutes les 24 heures. Il récitait chaque nuit 12 000 fois Salatul Fatiy et 800 fois le sayfiyu.

Libéré par son maître spirituel Aliou Boun Ismaila, Thierno Seydi Ali alla s’installer en Guinée Bissau pour y fonder sa communauté religieuse en 1910. Il pratiquait l’Islam basé sur la Sunna et la charria. Dans le souci de mettre le maximum d’informations à la portée des prosélytes, Thierno Seydi Ali faisait certaines prières à voix haute. C’est le cas de :

– Allah humma anta salaam…,

– Allah humma innii nuqaddimu Aleyka,

– Allah humma innii nawaytu biti laawati haazal wirdi…

Thierno Seydi Ali instaura le battage du mil avant le Zakkat

En raison de la jalousie, de la crainte et de l’hostilité que lui vouait Moundiourou, le chef de province de Ngabou, Thierno Seydi Aly s’exila en 1916, en compagnie de quelques disciples, au Sénégal, le pays d’origine de ses ancêtres. Trois ans durant, il logea dans le village de Dianguète, chez Thierno Aliou Dianguète, un condisciple de son maître. Les autorités administratives de Kolda lui permirent de s’installer à une vingtaine de kilomètres de Kolda. Il fonda, en 1918, son propre village, appelé Madina El Haji Seydi Aly, en souvenir de la sainte ville de Médina Mounawar. Il fut rejoint par des disciples, venus principalement de la Guinée-Bissau. Les disciples d’El Hadji Seydi Aly étaient constitués majoritairement de peulhs Ngabounké, allochtones venus de la région de Ngabou (Guinée-Bissau). Malgré son mariage avec une femme du Fouladou, El hadj Seydi Ali Thiam avait très peu de disciples parmi les autochtones, les Foulacounda du pays hôte.

L’exaucement d’un rêve ou le passage du témoin

En 1927, Thierno Seydi Aly devait aller à Sobulde auprès du mausolée de chérif Mouhamadou Ibnou Ibrahima. La date de son départ fut reportée du fait de la naissance de son fils Ousmane [13]. A l’occasion de ce voyage, Thierno Seydi Aly fit escale à Kolda. Comme d’habitude, il logea chez Thierno Oumar Touré, son gendre [14]. Il fit connaissance avec Thierno Mamadou Saïdou. Il le découvrit et finit par l’élever au rang de Muqadam dans la Voie Tijjaaniya. Thierno Seydi Aly invita Thierno Mamadou Saïdou à Madina El hadji en ces termes : «Thierno, il est grand temps que tu viennes continuer le travail que j’ai entamé pour toi. Tu es mon élève et mon héritier. Je le sais depuis huit (8) ans…»

Thierno Seydi El Hadji Aly continua son voyage de Sobouldé. Thierno Oumar Touré rejoignit Thierno Seydi Aly à Sobouldé en compagnie de Thierno Mamadou Saïdou et y passa une journée.

Après la ziara de Sobouldé, Thierno Seydi Aly rentra à Madina Seydi Aly, via Kolda. Thierno Mamadou Saïdou se rendit alors à Madina Seydi Aly pour répondre à l’invitation et pour exécuter les consignes de Thierno Amadou Barro. A son arrivée, Thierno Seydi Aly convoqua ses proches collaborateurs [15]. Thierno Seydi Aly s’adressa publiquement à Thierno Mamadou Saïdou en ces termes : «Depuis 8 ans, je t’attends. J’ai fait publiquement des prières et des sacrifices aux fins de connaître mon successeur. Le présent Dental t’appartient. Tu es mon remplaçant. En effet, j’ai eu à faire un rêve il y a 8 ans de cela. Le lendemain, j’ai relaté mon rêve à mes collaborateurs ici présents. J’avais rêvé d’avoir déposé une charge très lourde que je portais. J’ai demandé à ceux qui étaient avec moi de venir un à un soulever et porter cette charge. Personne n’a pu le faire. Il y a eu un jeune garçon, mince et beau qui est venu soulever et porter cette charge. Cela fait huit (8) ans que le rêve a eu lieu. Après ce rêve, j’ai fait des prières et des sacrifices pour demander au Bon Dieu de me faire connaître mon successeur».

S’adressant à l’assistance, Thierno Seydi Aly dit ceci : «C’est celui-là que j’avais vu en rêve.» Il souhaita la bienvenue à Thierno Mamadou Saïdou en ces termes : «Nous te souhaitons la bienvenue non seulement dans nos chambres, mais aussi et surtout dans nos cœurs.»

Thierno Seydi Aly reçut Thierno Mamadou Saïdou avec beaucoup d’égards, d’enthousiasme, de plaisir et de joie. Il chargea Thierno Mamadou Saïdou de diriger les prières et d’enseigner les élèves. El hadji Aly exprima à Thierno Siradji son désir de voir ce dernier rester pour de bon à Madina Seydi Aly. Thierno Mamadou Saïdou demanda à son hôte et nouveau maître l’autorisation d’aller à Thilogne recueillir l’avis de son maître Thierno Hammet Baaba sur la proposition que Thierno Aly venait de lui soumettre.

Foi en Dieu ou résignation devant la volonté divine

Thierno Mamadou Saïdou arriva au Fouta Toro en compagnie de Néné Aïssata Touré, son épouse. Il alla à Thilogne. Il fit à Thierno Hammet Baaba, son maître en enseignement général, le compte-rendu fidèle de son voyage en général et de son entretien avec Thierno Seydi Aly en particulier. Thierno Hammet Baaba lui demanda de regagner sa famille à Hoore Foondé et de ne plus lui parler de cette question jusqu’à nouvel ordre. En guise de témoignage et de reconnaissance des qualités surnaturelles de Thierno Mamadou Saïdou, les habitants de Hooré Foondé réservèrent un accueil chaleureux à Thierno Mamadou Saïdou et décidèrent de le maintenir pour toujours dans leur village. Thierno Mamadou Saïdou resta des mois à Hooré Foondé, tout en ayant l’esprit à Madina Seydi Aly. Cet état de fait est corroboré par les propos de Thierno Mamadou Saïdou qui relatait lui-même : «De la brousse de Hooré Foondé, j’entendais les habitants de Madina Seydi Ali exalter le nom d’Allah.»

Un jour, au terme de huit (8) mois de silence observé par Thierno Hammé Baaba sur la requête de Thierno Mamadou Saidou, Thierno Hammet convoqua Thierno Mamadou Saidou et lui dit : «J’accepte que tu ailles à Madina Seydi Aly. Vas-y ! Tu les aideras dans l’enseignement de l’Islam. Ce sont de vrais pratiquants, des sunnites, mais ils ne sont pas suffisamment lettrés.» Thierno Hammet Baaba lui remit une note destinée à Thierno Seydi Ali. Il s’agissait d’une note dans laquelle il recommandait Thierno Mamadou Saïdou à Thierno Seydi Aly.

Les recommandations d’un visionnaire honnête

Thierno Mamadou Saïdou quitta Hooré Foondé, contre la volonté des populations de ce village, en compagnie de sa famille et de quelques disciples volontaires. Il décida d’aller s’installer auprès de Thierno Seydi Aly.

En 1929, Thierno Mamadou Saïdou arriva à Madina Seydi Aly. Le maître des lieux lui répéta ces propos : «Sois le bienvenu parmi nous. Par la volonté d’Allah, tu es mon successeur spirituel et temporel. Ce Dental t’appartient. Si les disciples qui sont là restent résignés devant la volonté divine, ce sera tant mieux pour eux. S’ils s’érigent contre cette volonté divine, ce sera tant pis pour eux, car ta destinée n’est pas entre leurs mains. C’est Allah qui se charge de toi. Sois courtois et accueillant avec tous ceux qui viennent à toi, même avec ceux-là même qui te contestent. Ceux de mes anciens disciples qui te feront allégeance, accepte-les et accorde leur beaucoup de considération…»

Thierno Mamadou Saïdou intégra le milieu. El Hadji Seydi Aly lui confia sa progéniture et ses disciples. Il lui transmit la gestion du Dental : enseignement, causeries religieuses, prières, conversion à l’Islam, initiation à la confrérie Tijjaani, etc. Thierno Seydi Aly allait avec lui aux cérémonies officielles qui se déroulaient à Kolda et auxquelles il était invité. Il ne manquait jamais l’occasion de présenter Thierno Mamadou Saïdou aux autorités administratives. A l’occasion d’une cérémonie organisée à Kolda, il fit la présentation entre Thierno Mamadou Saïdou et son ami Yéro Djeïnaba, le chef de Canton de Cantora, une province du Fouladou situé dans le département de Vélingara. Il les confia l’un à l’autre.

Thierno Seydi Aly transmit ainsi à Thierno Mamadou Saidou tout ce qu’il détenait en science, secret et lumière. Il lui confia l’initiation, l’éducation et la formation de sa progéniture et de ses disciples.

Thierno Seydi Aly Thiam [16] fut rappelé à Dieu le 12 avril 1935[17].

Madina Gounasse ou l’émergence d’une cité religieuse sur un site promis

Quarante (40) jours après la mort de El hadji Seydi Aly et comme s’y attendait, du reste, Thierno Seydi Aly, certains dignitaires du Dental aux esprits ruinés par la proclamation du dernier venu manifestèrent leur déception et mirent en cause le choix porté sur Thierno Mamadou Saïdou. Une crise de succession conduisit à l’éclatement du village et à la dispersion des disciples et marabouts qui avaient rejoint El hadji Seydi Aly. Des disciples et marabouts influents partirent avec leurs partisans créer leurs propres villages [18].

Thierno Mamadou Saïdou quitta alors Madina Alahadji en compagnie de sa famille et de quelques fidèles à la recherche de la terre promise (endroit vu en rêve). Ses détracteurs le calomnièrent auprès de l’administration coloniale qui finit par l’assigner en résidence surveillée de huit (8) mois à Kolda.

Pendant son séjour forcé à Kolda, il perdit son garçon Mamadou Lamine. Il ne voulut pas l’enterrer dans les cimetières de Kolda par ce que ceux-ci servaient aussi bien aux musulmans qu’aux non musulmans. Il l’enterra à Guiro Yéro Bocar après le refus des dignitaires de Madina El Hadji de recevoir le corps chez eux, à Médina El Hadji. Le refus de Thierno Mamadou Saïdou d’enterrer son fils à Kolda aiguisa davantage l’hostilité des populations de Kolda à son égard.

Thierno Mamadou Saïdou adressa à Thierno Barro une lettre dans laquelle il écrit : «Les autorités administratives de Kolda veulent me chasser de leur territoire. Je souhaite que Serigne Ababacar Sy [19] intercède en ma faveur auprès des autorités administratives du Sénégal. Je ne souhaite pas quitter la région de Kolda. Je veux y habiter.» Thierno Barro présenta la lettre à Serigne Ababacar Sy. Après avoir lu la lettre, Serigne Ababacar Sy dit à Thierno Barro ceci : «Allah a décidé que Mamadou Saïdou s’installe dans le territoire de Kolda. La volonté de Dieu est irréversible. Thierno Mamadou Saïdou n’a besoin de l’intervention d’aucun être humain pour rester là-bas. Il y restera. Telle est la volonté de Dieu.»

Thierno Barro informa Thierno Mamadou Saïdou de la suite que Serigne Ababacar Sy a donnée à sa lettre. Thierno Mamadou Saïdou s’en réjouit et remercia davantage Allah.

A l’occasion d’un voyage à Kolda, Yéro Djeïnaba avait invité Thierno Mamadou Saïdou à aller s’installer dans le canton de Cantora dont il était le chef. Au terme de sa résidence surveillée, Thierno Mamadou Saïdou quitta Kolda en compagnie de certains de ses disciples. Il y laissa son épouse, Néné Aïssata Touré, et quelques disciples dont Abdarahmane Aly Gangué, Thierno Alpha Issaga de Louggué et Ahmadou Tafsirou de Bogguel. Il laissa une bonne partie de son contingent à Mawong, localité située à une quinzaine de kilomètres de Kolda. Il désigna Thierno Ibrahima Diallo responsable du groupe resté à Mawong. Il poursuivit son périple qui le conduisit à Fafacourou, Bansang, Fatoto, Niamanari, Hamdallayi [20]….

Yéro Djeïnaba, le chef de canton de Cantora alla le rencontrer à Niamanari et lui souhaita, ainsi qu’a tous ses compagnons, la bienvenue dans sa province.

Thierno Siradio expliqua à son hôte son aventure et son intention de créer un village. Yéro Djeïnaba l’invita, avec insistance, à s’installer dans sa province au prix de son pouvoir. Il lui dit toute sa disponibilité à être à ses services en qualité de disciple. En raison de l’engagement sans réserve de Yéro Djeïnaba, Thierno Mamadou Saïdou finit par accepter l’invitation de son hôte. Yéro Djeïnaba mit alors à sa disposition un guide, du nom de Samba Bah, pour l’aider à trouver dans son canton un endroit de son choix.

En compagnie du guide, Thierno visita la zone et porta son choix sur un endroit [21] très boisé et inhabité, situé près d’un affluent (Kosobo), non loin de Gounassiyel, un hameau peuplé de chasseurs et dont le chef d’alors s’appelait Thierno Coumba Boiro. Thierno Siradji reçut de Yéro Djeïnaba l’autorisation de défricher l’endroit choisi et d’y créer son village. Ainsi, le 27 Février 1936[22], à 200 km de Madina Seydi Aly, Thierno Mamadou Saïdou Ba défricha un terrain vierge pour y fonder le village de Madina Al Mounawar, devenu par la suite Madina Gounasse, en référence à Gounassiyel [23], le petit hameau qui était à côté. Thierno Mamadou Saïdou fut le premier à couper à coup de hache une branche avant de donner à ses compagnons le signal d’assaut. Ses compagnons [24] répétèrent son geste sous le cri de «Allah Akbar». Thierno Mamadou Saïdou dirigea ses illustres compagnons pour accomplir la première prière [25] du Dental sur ce nouveau site béni.

Deux à trois jours après leur installation dans leur nouveau hameau, Boubabar Maana Baldé arriva de Kolda et annonça la naissance de Thierno Ahmadou Tijjaani [26], l’actuel Khalife.
Par la grâce de Dieu, Thierno Mamadou Saïdou et ses fidèles compagnons purent résister à l’hostilité de la zone. Tobo, le chef de Canton de Témento qui s’opposait farouchement à leur installation, ne manquait l’occasion de les harceler. Des brigands les attaquaient. Des mauvais esprits les perturbaient. Ils ne cédèrent point au découragement malgré la forte présence de bêtes féroces et de reptiles venimeux. C’est dans ces conditions que fut créée Madina Gounasse, la religieuse.

Madina Gounasse, une ville champignon

Thierno Mamadou Saïdou invita [27] ses anciens condisciples de Madina El hadji à venir le rejoindre dans son nouveau village pour poursuivre avec lui l’œuvre de leur maître El hadji Seydi Aly Thiam sur la base d’un engagement à accepter et respecter les règles suivantes :

Suivre à la lettre les directives du marabout
Œuvrer pour le renforcement des relations humaines entre tous les membres de la communauté sans distinction.
Eviter d’être à la source de problème dans et/ou pour le village.
Thierno Mamadou Saïdou se donna pour mission la poursuite de l’œuvre de son défunt maître, El Hadji Seydi Ali Thiam. Sa mission consistait alors à éduquer, en prêchant l’Islam pur, basé sur le Coran et la Sunna, à développer la tariika Tijjaani ainsi que le culte du travail et des relations humaines. Il professa la prière, l’enseignement islamique, le travail et le respect de l’autorité tant religieuse qu’administrative.

Dès la première année, Madina Gounasse enregistra une population de 1200 âmes établies dans 117 concessions réparties dans 12 quartiers [28]. Thierno donna à chaque quartier le nom d’un site ayant abrité un événement ou un personnage religieux. Il choisit pour chaque quartier l’emplacement de sa mosquée.

El Hadji Mamadou Saïdou organisa le village de Madina Gounasse. Il divisa le village en 12 groupes de travail [29] et chaque groupe désigna son responsable. Il créa un comité consultatif pour l’appuyer dans la gestion de la cité. Le comité était composé des 12 responsables de groupe. Le comité était chargé principalement de faire exécuter les consignes du grand marabout et de veiller au respect strict des règles de conduite édictées par le marabout. Les travaux collectifs et les investissements humains se faisaient à tour de rôle par les groupes ainsi institués. Le marabout fit promulguer des règles régissant la vie à Madina Gounasse, règles basées sur le respect des préceptes du Coran et de la Sunna. Il établit le plan d’aménagement du village et constitua des comités de lotissement et de distribution de parcelles. Il développa un type d’habitat approprié. Il délégua la chefferie à ses fidèles venus de Madina El Hadji. Tout nouvel arrivant se devait de se présenter chez le marabout pour manifester son désir de s’installer dans le village. Le marabout était le seul habilité à permettre l’installation d’un nouvel arrivant dans le village, à lui octroyer un terrain d’habitation et à lui autoriser de défricher un terrain de culture.

En 1998, la population de Madina Gounassse était estimée à 29 000 âmes dont plus de 70% se réclamant de familles venues du Fouta Toro, du Djolof, du Ferlo, du Boundou. Les autochtones, c’est-à-dire les Foulacounda, en forment les 2%. Les originaires du Mali, de la Mauritanie et du Fouta Djalon en constituent les 7%, tandis que les Ngabounké, venant de la Guinée-Bissau, en forment moins de 20% [30]. A Madina Gounase, le Pulaar constitue la langue de communication.

Madina Gounasse compte 20 quartiers [31] séparés par des avenues et traversés par des rues larges et droites. Les rues étaient tracées du temps de Thierno, sous sa supervision.

Le village totalise 22 mosquées. Madina Gounasse dispose de l’électricité et de l’eau courante. Madina Gounasse est le chef de lieu de la Communauté rurale du même nom. Madina Gounasse est en passe de devenir une commune.

Toute une vie au service de l’Islam et pour l’expansion de la Tijjaaniya

Thierno Mamadou Saïdou a vécu 80 ans dont 44 à Madina Gounasse. Il a réalisé beaucoup d’œuvres socioreligieuses.

En 1941, Thierno Mamadou Saïdou effectua son premier pèlerinage à La Mecque en compagnie de Thierno Ibrahima Guèye du village de Doondou, d’El Hadji Mahmoudou du village de Guiraye et d’El Hadji Moussa Diao [32] de Madina Gounasse. Le voyage dura deux (2) ans.

En 1943, Thierno Ahmadou Barro le convainquit de construire une grande mosquée en ces termes : «N’aie point de crainte ! Ce village ne sera pas abandonné. Il grandira. Cesse d’hésiter à construire une grande mosquée dans ce village.»

En 1944, El hadji Mamadou Saidou effectua son premier voyage islamique. Il fit ce voyage en Gambie. Le second voyage, il le fit en 1945 en Guinée-Conakry. En 1947, il fit un voyage de trois mois au Fouta Toro.

En 1948, il fit son premier pèlerinage à Madina Seydi El Hadj et à Fès.

Il a effectué 46 voyages dont huit (8) à Fez, trois (3) en Arabie Saoudite pour le pèlerinage, quatre (4) à Ounfani (en Mauritanie) auprès du mausolée de Chérif Mouhamadou Hafaz.

El Hadji Mamadou Saïdou a créé 53 villages [33]. En plus des 19 mosquées de Madina Gounasse, il a construit 33 mosquées dont 20 dans les villages qu’il a lui-même créés. Il a organisé et participé à 27 éditions du Daakaa. Il les a célébrées à tour de rôle sur 14 sites[34] différents. Le premier Daakaa a eu lieu en 1942 à Aynou Mahdi. C’est à partir de 1960 que les Daakaa se tiennent régulièrement chaque année. Depuis 1973, les Daakaa se tiennent sur le site, à Abi Samaoun.

Madina Gounasse, après son érection en chef-lieu de communauté rurale

Malgré la diversité de leurs origines, les habitants de Madina Gounasse vivaient dans une parfaite entente. Le marabout prônait les mariages inter-ethniques. Tout le monde suivait à la lettre les directives du marabout. Chacun œuvrait au renforcement de la communauté. Les populations de Madina Gounasse avaient une seule référence, en la personne de leur guide Thierno Mamadou Siradji qui avait bâti son œuvre sur le Coran, les Hadiths et la Sunna. Sur la base des préceptes de l’Islam, le marabout avait vulgarisé le port de voile chez les femmes, amené ses adeptes à éviter les rassemblements mixtes (hommes et femmes) et à dispenser la gent féminine de certains travaux (commerce mobile, travaux champêtres, recherche de bois mort). Il avait simplifié les événements familiaux (baptêmes, mariages, décès). Les problèmes tant individuels que collectifs étaient soumis au marabout.

En 1979, un an avant la mort du vénéré Thierno Mamadou Saïdou, le village de Madina Gounasse fut érigé en chef-lieu de communauté rurale. Il fallait trouver un lettré en français pour en être le président. Seuls les immigrés récents, au demeurant, originaires du Fouta Toro, remplissaient ce critère. Le marabout porta alors son choix sur Amadou Tidiane Gollo. Certains Ngabounké originaires de la Guinée-Bissau contestèrent alors cette décision.

Source : http://www.daakagounass.com/

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